Rois et Vassaux
Lorsque Guillaume, duc de Normandie, conquit l'Angleterre, il se garda d'y transporter le régime féodal. S'il distribua à ses compagnons les terres qu'il enleva aux Saxons, il veilla à ce qu'elles ne fussent jamais d'un seul tenant. Et, surtout, il exigea que tous lui prêtent serment personnellement. Ainsi était-il le suzerain de tous ses sujets.
Voilà ce que les historiens portent à son crédit. Les intellectuels admirent toujours l'Etat fort. Mais qu'en fut-il en réalité?
En France, depuis Philippe Auguste, les rois grignotérent patiemment la féodalité, et ce régime ne disparut complètement qu'au XVIIème siècle, sous Louis XIV. Si l'on fait abstraction des guerres de religion, lesquelles n'ont rien à voir avec la féodalité, la France connut une paix intérieure, à une exception près, celle d'une branche cadette, qui, apanagée en Bourgogne, chercha à se rendre indépendante, mais sa tentative fit long feu.
L'Angleterre nous présente un tout autre tableau. La guerre civile y fut quasiment permanente, et on ne compte pas les rois qui furent détrônés, voire, assassinés. Un aventurier étranger, Henri Tudor, à l'issue d'une guerre civile qui, par sa durée et sa férocité, décima la noblesse, réussit à usurper la couronne et à conférer à sa dynastie un pouvoir quasi absolu. Mais cette situation prit fin au bout d'un siècle, avec l'avènement d'une nouvelle dynastie. Les troubles reprirent, un roi fut décapité, un autre partit en exil, et le royaume s'accommoda, petit à petit, du parlementarisme, qui vida la monarchie de toute autorité, jouant, en sorte, le même rôle que la féodalité.
En France, la monarchie absolue ne dura qu'un siècle. Le deuxième successeur de Louis XIV fut renversé et exécuté. La suite fut passablement agitée : en deux siècles, on compta une bonne dizaine de révolutions, coups d'Etat, et guerres civiles. Force nous est de conclure que ce qui assure la paix civile, c'est le gouvernement indirect, une décentralisation qui instaure plusieurs couches intermédiaires entre les gouvernés et le souverain. On en voit un excellent exemple avec l'Amérique, république fédérale, où d'innombrables obstacles s'interposent entre les citoyens et le Président, ce qui évite à celui-ci d'être contesté et vilipendé, à la manière de l'omniprésident français. Le salut consisterait-il en une Europe unifiée et fédérale ? Malheureusement, l'expérience des soixante dernières années en montre le caractère utopique, dù à la multiethnicité de notre continent, qui fait que l'Union Européenne, ressemble moins aux Etats-Unis d'Amérique qu'à l'empire austro-hongrois des Habsbourgs, dont on sait quelle fut la triste fin... Cependant, la mondialisation économique devrait déboucher, tôt ou tard, en un gouvernement mondial, qui aura, selon toutes apparences, non pas un caractère multipolaire, centré sur une ONU dont l'échec est désormais patent, mais dont l'autorité en dernier ressort sera assurée par une nation dominante, comme le furent, dans l'antiquité, les empires perse et romain. L'influence politique est entièrement contingentée par l'existence d'une force armée respectable. C'est pourquoi il n'est pas possible de prendre en considération la France, l'Allemagne et le Japon, parmi les Etats démocratiques, pas plus que le Brésil et l'Inde, parmi les "émergents". Et la Russie ? Ce n'est qu'un émirat pétrolier, aux mains d'une dictature mafieuse, mais dotée d'un arsenal nucléaire colossal. Son régime néofasciste peut constituer un avantage au début, mais qui se transformera en handicap avec le temps. En fait, son influence politique s'amenuisera à fur et à mesure que ses réserves d'hydrocarbures s'épuiseront. Restent, actuellement, pour tenir ce rôle de dominant, deux candidats sérieux, les Etats-Unis et la Chine. Le premier repose sur un régime fédéral : c'est le prototype de l'empire bienveillant. La Chine, elle, n'a jamais connu qu'un système centralisé, constamment menacé, et qui ne peut se maintenir que grâce au recours à une tyrannie impitoyable. Il est donc à espérer que les Français surmonteront leur américanophobie pathologique. Mais la voix de la raison est fréquemment ignorée...
Théo Gregnors Décembre 2010.
Lorsque Guillaume, duc de Normandie, conquit l'Angleterre, il se garda d'y transporter le régime féodal. S'il distribua à ses compagnons les terres qu'il enleva aux Saxons, il veilla à ce qu'elles ne fussent jamais d'un seul tenant. Et, surtout, il exigea que tous lui prêtent serment personnellement. Ainsi était-il le suzerain de tous ses sujets.
Voilà ce que les historiens portent à son crédit. Les intellectuels admirent toujours l'Etat fort. Mais qu'en fut-il en réalité?
En France, depuis Philippe Auguste, les rois grignotérent patiemment la féodalité, et ce régime ne disparut complètement qu'au XVIIème siècle, sous Louis XIV. Si l'on fait abstraction des guerres de religion, lesquelles n'ont rien à voir avec la féodalité, la France connut une paix intérieure, à une exception près, celle d'une branche cadette, qui, apanagée en Bourgogne, chercha à se rendre indépendante, mais sa tentative fit long feu.
L'Angleterre nous présente un tout autre tableau. La guerre civile y fut quasiment permanente, et on ne compte pas les rois qui furent détrônés, voire, assassinés. Un aventurier étranger, Henri Tudor, à l'issue d'une guerre civile qui, par sa durée et sa férocité, décima la noblesse, réussit à usurper la couronne et à conférer à sa dynastie un pouvoir quasi absolu. Mais cette situation prit fin au bout d'un siècle, avec l'avènement d'une nouvelle dynastie. Les troubles reprirent, un roi fut décapité, un autre partit en exil, et le royaume s'accommoda, petit à petit, du parlementarisme, qui vida la monarchie de toute autorité, jouant, en sorte, le même rôle que la féodalité.
En France, la monarchie absolue ne dura qu'un siècle. Le deuxième successeur de Louis XIV fut renversé et exécuté. La suite fut passablement agitée : en deux siècles, on compta une bonne dizaine de révolutions, coups d'Etat, et guerres civiles. Force nous est de conclure que ce qui assure la paix civile, c'est le gouvernement indirect, une décentralisation qui instaure plusieurs couches intermédiaires entre les gouvernés et le souverain. On en voit un excellent exemple avec l'Amérique, république fédérale, où d'innombrables obstacles s'interposent entre les citoyens et le Président, ce qui évite à celui-ci d'être contesté et vilipendé, à la manière de l'omniprésident français. Le salut consisterait-il en une Europe unifiée et fédérale ? Malheureusement, l'expérience des soixante dernières années en montre le caractère utopique, dù à la multiethnicité de notre continent, qui fait que l'Union Européenne, ressemble moins aux Etats-Unis d'Amérique qu'à l'empire austro-hongrois des Habsbourgs, dont on sait quelle fut la triste fin... Cependant, la mondialisation économique devrait déboucher, tôt ou tard, en un gouvernement mondial, qui aura, selon toutes apparences, non pas un caractère multipolaire, centré sur une ONU dont l'échec est désormais patent, mais dont l'autorité en dernier ressort sera assurée par une nation dominante, comme le furent, dans l'antiquité, les empires perse et romain. L'influence politique est entièrement contingentée par l'existence d'une force armée respectable. C'est pourquoi il n'est pas possible de prendre en considération la France, l'Allemagne et le Japon, parmi les Etats démocratiques, pas plus que le Brésil et l'Inde, parmi les "émergents". Et la Russie ? Ce n'est qu'un émirat pétrolier, aux mains d'une dictature mafieuse, mais dotée d'un arsenal nucléaire colossal. Son régime néofasciste peut constituer un avantage au début, mais qui se transformera en handicap avec le temps. En fait, son influence politique s'amenuisera à fur et à mesure que ses réserves d'hydrocarbures s'épuiseront. Restent, actuellement, pour tenir ce rôle de dominant, deux candidats sérieux, les Etats-Unis et la Chine. Le premier repose sur un régime fédéral : c'est le prototype de l'empire bienveillant. La Chine, elle, n'a jamais connu qu'un système centralisé, constamment menacé, et qui ne peut se maintenir que grâce au recours à une tyrannie impitoyable. Il est donc à espérer que les Français surmonteront leur américanophobie pathologique. Mais la voix de la raison est fréquemment ignorée...
Théo Gregnors Décembre 2010.