Deux mythes et une guerre.
Qu'est ce qu'un mythe? Les définitions pleuvent. Disons, en simplifiant énormément, que c'est un récit dont le sens cachén'apparaît qu'aux initiés.
Penchons-nous sur deux d'entre eux, dont l'un se situe, dans le temps, avant le commencement de la guerre de Troie, et le second à sa fin. Le "Jugement de Parîs" est fréquemment représenté par les peintres de la Renaissance. On notera que cet épisode ne se trouve pas dans le récit homérique. Parîs lui-même était l'un des fils de Priam, roi de Troie. Sa biographie, si l'on ose la qualifier ainsi,participe au "mythe de la naissance du héros" (Otto Rank). Mais celui-ci s'interrompt vers son milieu pour déboucher sur un autre mythe. Alors qu'il fait paître ses troupeaux, le prince se trouve en présence de trois déesses, Hera, Athena, et Aphrodite, et doit remettre une pomme à l'une d'elles. Il la donne à Aphrodite, et ce choix s'avérera fatal. Rappelons que selon l'analyse Dumezilienne, le monde divin indo-européen se partage en trois fonctions. La première porte sur la magie, mais aussi, la justice, la deuxième, sur la force et la guerre, la troisième, sur la production, mais, également, sur l'amour. Les deux premières fonctions se disputent la souveraineté, dont est exclue la troisième, laquelle, en compensation, reçoit la richesse. Il ne fait aucun doute que les trois déesses représentent les trois fonctions, et en accordant la pomme à Aphrodite, Parîs commet un impair colossal: il confère la souveraineté à la troisième fonction, humiliant les deux premières. La récompense que lui attribuera Aphrodite, l'amour de Hélène, entraînera la guerre de Troie. Maintenant, si on passe du religieux au politique, ce qu'a fait Parîs, c'était placer le peuple au-dessus de l'aristocratie et du clergé. Cela méritait un châtiment exemplaire : la chute de Troie, et la mort de Parîs. Telle était la leçon du mythe. Sont-ce là des vieilleries dont nous n'avons pas à nous soucier? Lorsqu'un Poutine, ancien agent de la police politique, c'est-à-dire représentant, à la fois, des deux premières fonctions, envoie au goulag l'oligarque Khodorkhovski, qui croyait que la richesse qu'il avait acquise lui ouvrait les portes du pouvoir, le jugement de Parîs nous apprend que l'antique "idéologie indo-européenne" n'a toujours pas abdiqué.
Il est des historiens qui, prenant l'affaire du "cheval de Troie" au pied de la lettre, se livrent à des calculs savants pour compter le nombre de guerriers qu'il pouvait contenir, et passer les portes basses et étroites de la ville. C'est assez ridicule.Rappelons, d'abord, que contrairement à ce qu'enseignerait la logique, cet épisode n'est pas relaté dans l'Iliade, mais dans l'Odyssée. Or, l'Iliade est une épopée classique, qui devait être déclamée par les rhapsodes dans les châteaux, devant une assemblée de guerriers. L'Odyssée est d'une nature toute différente. C'est un récit oriental, qui pourrait figurer dans les Mille et une Nuits, il est plein de fantasmagories, l'Ulysse de l'Odyssée est cousin de Sinbad le marin, et ce conte devait être récité sur les marchés devant un public populaire. Car, manifestement, cette histoire de cheval de bois n'a rien de réaliste. C'est, encore une fois, un mythe. Il nous apprend que les Grecs se sont emparés de Troie grâce à la subversion : les guerriers du cheval, c'étaient des Troyens, qui, peut-être parce qu'on leur avait promis le pouvoir - ils allaient être cruellement déçus, comme cela arrive toujours - , ou plus simplement, parce qu'ils souhaitaient la paix, ouvrirent à l'ennemi les portes de la ville. Rien de glorieux, et l'on comprend que les Grecs aient cherché à dissimuler l'affaire sous des oripeaux fantaisistes. Et, en ce qui nous concerne, cela devrait nous rappeler que du pacifisme à la traîtrise le pas est vite franchi...
Theo Gregnors Octobre 2010.
Qu'est ce qu'un mythe? Les définitions pleuvent. Disons, en simplifiant énormément, que c'est un récit dont le sens cachén'apparaît qu'aux initiés.
Penchons-nous sur deux d'entre eux, dont l'un se situe, dans le temps, avant le commencement de la guerre de Troie, et le second à sa fin. Le "Jugement de Parîs" est fréquemment représenté par les peintres de la Renaissance. On notera que cet épisode ne se trouve pas dans le récit homérique. Parîs lui-même était l'un des fils de Priam, roi de Troie. Sa biographie, si l'on ose la qualifier ainsi,participe au "mythe de la naissance du héros" (Otto Rank). Mais celui-ci s'interrompt vers son milieu pour déboucher sur un autre mythe. Alors qu'il fait paître ses troupeaux, le prince se trouve en présence de trois déesses, Hera, Athena, et Aphrodite, et doit remettre une pomme à l'une d'elles. Il la donne à Aphrodite, et ce choix s'avérera fatal. Rappelons que selon l'analyse Dumezilienne, le monde divin indo-européen se partage en trois fonctions. La première porte sur la magie, mais aussi, la justice, la deuxième, sur la force et la guerre, la troisième, sur la production, mais, également, sur l'amour. Les deux premières fonctions se disputent la souveraineté, dont est exclue la troisième, laquelle, en compensation, reçoit la richesse. Il ne fait aucun doute que les trois déesses représentent les trois fonctions, et en accordant la pomme à Aphrodite, Parîs commet un impair colossal: il confère la souveraineté à la troisième fonction, humiliant les deux premières. La récompense que lui attribuera Aphrodite, l'amour de Hélène, entraînera la guerre de Troie. Maintenant, si on passe du religieux au politique, ce qu'a fait Parîs, c'était placer le peuple au-dessus de l'aristocratie et du clergé. Cela méritait un châtiment exemplaire : la chute de Troie, et la mort de Parîs. Telle était la leçon du mythe. Sont-ce là des vieilleries dont nous n'avons pas à nous soucier? Lorsqu'un Poutine, ancien agent de la police politique, c'est-à-dire représentant, à la fois, des deux premières fonctions, envoie au goulag l'oligarque Khodorkhovski, qui croyait que la richesse qu'il avait acquise lui ouvrait les portes du pouvoir, le jugement de Parîs nous apprend que l'antique "idéologie indo-européenne" n'a toujours pas abdiqué.
Il est des historiens qui, prenant l'affaire du "cheval de Troie" au pied de la lettre, se livrent à des calculs savants pour compter le nombre de guerriers qu'il pouvait contenir, et passer les portes basses et étroites de la ville. C'est assez ridicule.Rappelons, d'abord, que contrairement à ce qu'enseignerait la logique, cet épisode n'est pas relaté dans l'Iliade, mais dans l'Odyssée. Or, l'Iliade est une épopée classique, qui devait être déclamée par les rhapsodes dans les châteaux, devant une assemblée de guerriers. L'Odyssée est d'une nature toute différente. C'est un récit oriental, qui pourrait figurer dans les Mille et une Nuits, il est plein de fantasmagories, l'Ulysse de l'Odyssée est cousin de Sinbad le marin, et ce conte devait être récité sur les marchés devant un public populaire. Car, manifestement, cette histoire de cheval de bois n'a rien de réaliste. C'est, encore une fois, un mythe. Il nous apprend que les Grecs se sont emparés de Troie grâce à la subversion : les guerriers du cheval, c'étaient des Troyens, qui, peut-être parce qu'on leur avait promis le pouvoir - ils allaient être cruellement déçus, comme cela arrive toujours - , ou plus simplement, parce qu'ils souhaitaient la paix, ouvrirent à l'ennemi les portes de la ville. Rien de glorieux, et l'on comprend que les Grecs aient cherché à dissimuler l'affaire sous des oripeaux fantaisistes. Et, en ce qui nous concerne, cela devrait nous rappeler que du pacifisme à la traîtrise le pas est vite franchi...
Theo Gregnors Octobre 2010.