Les Bienveillantes : références littéraires
Ce roman connut, lors de sa sortie, un succès foudroyant. Mais il fut de courte durée. Curieusement, il ne fut l'objet d'aucune analyse en profondeur, portée à la connaissance du public. On se demande , même, si beaucoup de lecteurs, à notre époque où les humanités classiques ont quasiment disparu, ont compris ce que signifiait ce titre qu'on ne trouve qu'à la toute dernière page de ce roman de 900 pages. Il s'agit pourtant là de la trame principale, tout au moins en apparence. Ce qui est clair, c'est que l'auteur n'a pas cherché, avec son personnage central, Max Aue, à dresser le portrait d'un officier nazi. Bref, à réécrire "La mort est mon métier", de Robert Merle. Son sujet, c'était la Shoah, et pas l'histoire d'un exécutant, dont il n'y a jamais existé d'équivalent, dans la réalité. La première référence est, bien sûr, la tragédie des Atrides. Aue tue sa mère, à qui il reproche d'avoir trahi son père, ainsi que son second mari. Mais il devint, également, l'amant de sa soeur jumelle : on n'est plus dans la mythologie grecque, mais germanique, Siegmund et Sieglinde, et non Electre. Pour revenir au modèle grec : les Erinnyes, furies poursuivant le matricide, se muent en Eumenides, c'est-à-dire en Bienveillantes, ce qui indique que Max Aue, comme Oreste, est pardonné. Mais n'est-ce-pas parce que Max Aue n'est, comme Meursault, qu'un Etranger, témoin camusien d'une tragédie qui le dépasse, et qui se déroule, raffinement de l'auteur, au rythme d'un concerto de Bach ? Mais le véritable arrière-fonds de ce roman est faustien. A quatre reprises, en 1937, à Berlin, à Stalingrad, dans le manoir de son beau-frère en Poméranie, derrière les lignes russes, et, enfin, à Berlin à nouveau, lors de la débâcle, son alter ego, le satanique et si aimable Thomas Hauser sort, comme un diable de sa boîte (c'est le cas de le dire), pour sauver Max Aue d'une situation désespérée, mais qui, à chaque fois, le fait s'enfoncer plus profondément dans l'ignominie. Jusqu'à ce que, lors de la dernière rencontre, Max le tue, ce qui met fin à la malédiction. Enfin, dernier thème, celui des jumeaux-Gémeaux, son couple avec sa soeur, ceux qu'il a engendré avec celle-ci, puis avec son épouse, enfin, et surtout, ses persécuteurs, les policiers Clemens et Weser, qui tiennent le rôle des Erinnyes, et ses protecteurs, les doucereux affairistes Mandelbrod et Leland, un thème repris du "Manuscrit trouvé à Saragosse", de Jan Potocki.
C'est l'édition, en France, de la traduction du "récit familial" de Daniel Mendelsohn, "Les disparus", qui provoqua le retournement de la critique. On notera, en revanche, que le roman d'Edgar Hilsenrath, "Le nazi et le barbier", qui exploite des points communs, mais dans une veine satirique, et qui est également un chef d'oeuvre, passa quasiment inaperçu. "Les disparus" provoqueront l'enthousiasme des critiques. Alors que ce récit, sans doute politiquement correct, est ennuyeux et médiocre. C'est que Mendelsohn est un militant homosexuel, alors que ce n'est pas l'auteur des "Bienveillantes" , mais son personnage principal, Max Aue, qui l'est, et la scène qui se déroule derrière un buisson, page 70, est tout sauf ragoûtante. On ne défie pas le tout-puissant lobby gay...
Il n'en reste pas moins que les "Bienveillantes" resteront le roman français le plus puissant depuis le "Voyage au bout de la nuit".Comme celui-ci, il laissera ses lecteurs horrifiés et éblouis.
Irène Blasbalk Juillet 2011.
Ce roman connut, lors de sa sortie, un succès foudroyant. Mais il fut de courte durée. Curieusement, il ne fut l'objet d'aucune analyse en profondeur, portée à la connaissance du public. On se demande , même, si beaucoup de lecteurs, à notre époque où les humanités classiques ont quasiment disparu, ont compris ce que signifiait ce titre qu'on ne trouve qu'à la toute dernière page de ce roman de 900 pages. Il s'agit pourtant là de la trame principale, tout au moins en apparence. Ce qui est clair, c'est que l'auteur n'a pas cherché, avec son personnage central, Max Aue, à dresser le portrait d'un officier nazi. Bref, à réécrire "La mort est mon métier", de Robert Merle. Son sujet, c'était la Shoah, et pas l'histoire d'un exécutant, dont il n'y a jamais existé d'équivalent, dans la réalité. La première référence est, bien sûr, la tragédie des Atrides. Aue tue sa mère, à qui il reproche d'avoir trahi son père, ainsi que son second mari. Mais il devint, également, l'amant de sa soeur jumelle : on n'est plus dans la mythologie grecque, mais germanique, Siegmund et Sieglinde, et non Electre. Pour revenir au modèle grec : les Erinnyes, furies poursuivant le matricide, se muent en Eumenides, c'est-à-dire en Bienveillantes, ce qui indique que Max Aue, comme Oreste, est pardonné. Mais n'est-ce-pas parce que Max Aue n'est, comme Meursault, qu'un Etranger, témoin camusien d'une tragédie qui le dépasse, et qui se déroule, raffinement de l'auteur, au rythme d'un concerto de Bach ? Mais le véritable arrière-fonds de ce roman est faustien. A quatre reprises, en 1937, à Berlin, à Stalingrad, dans le manoir de son beau-frère en Poméranie, derrière les lignes russes, et, enfin, à Berlin à nouveau, lors de la débâcle, son alter ego, le satanique et si aimable Thomas Hauser sort, comme un diable de sa boîte (c'est le cas de le dire), pour sauver Max Aue d'une situation désespérée, mais qui, à chaque fois, le fait s'enfoncer plus profondément dans l'ignominie. Jusqu'à ce que, lors de la dernière rencontre, Max le tue, ce qui met fin à la malédiction. Enfin, dernier thème, celui des jumeaux-Gémeaux, son couple avec sa soeur, ceux qu'il a engendré avec celle-ci, puis avec son épouse, enfin, et surtout, ses persécuteurs, les policiers Clemens et Weser, qui tiennent le rôle des Erinnyes, et ses protecteurs, les doucereux affairistes Mandelbrod et Leland, un thème repris du "Manuscrit trouvé à Saragosse", de Jan Potocki.
C'est l'édition, en France, de la traduction du "récit familial" de Daniel Mendelsohn, "Les disparus", qui provoqua le retournement de la critique. On notera, en revanche, que le roman d'Edgar Hilsenrath, "Le nazi et le barbier", qui exploite des points communs, mais dans une veine satirique, et qui est également un chef d'oeuvre, passa quasiment inaperçu. "Les disparus" provoqueront l'enthousiasme des critiques. Alors que ce récit, sans doute politiquement correct, est ennuyeux et médiocre. C'est que Mendelsohn est un militant homosexuel, alors que ce n'est pas l'auteur des "Bienveillantes" , mais son personnage principal, Max Aue, qui l'est, et la scène qui se déroule derrière un buisson, page 70, est tout sauf ragoûtante. On ne défie pas le tout-puissant lobby gay...
Il n'en reste pas moins que les "Bienveillantes" resteront le roman français le plus puissant depuis le "Voyage au bout de la nuit".Comme celui-ci, il laissera ses lecteurs horrifiés et éblouis.
Irène Blasbalk Juillet 2011.